
« Je me suis adoptée. »
De quoi se constitue notre identité ? Sommes-nous uniquement les enfants de nos parents ? Comment se construire indépendamment de ceux qui nous élèvent ? À partir
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J’ai toujours vécu dans une atmosphère de guerre. Mes grands-parents avaient connu celle de 1870, mes parents ont grandi dans l’entre-deux entre 1914 et 1939… J’en ai toujours entendu parler ! Pourtant, la guerre, personne ne la vit de la même façon. Moi par exemple, je n’ai pas vu un Allemand pendant toute la durée du conflit. J’ai même pu pratiquer le tennis et la natation sans limite.
Comment expliquer, faire passer le message, de ce qu’implique une agression sexuelle ? Personne ne conçoit véritablement ce qui se joue à l’intérieur de moi. Personne ne mesure réellement l’impact sur la féminité, le morcellement, l’adaptation permanente, la mésestime de soi, le rapport au corps, le manque de confiance, le silence et l’énergie fournie pour, malgré tout, donner le change, avancer et vivre.
Sa stratégie était claire. Depuis le début, il me répétait que je mourrai avec lui. J’avais le pressentiment qu’il me détestait depuis bien des années. Il se montrait possessif, jaloux, il me coupait du monde. J’aurais dû partir. Je me le suis souvent dit, notamment à l’arrivée de mes enfants. Mais je ne l’ai jamais fait. J’aurais pu faire de mes enfants des orphelins.
Des sensations désagréables m’accompagnent au quotidien. J’ai l’impression que tout le monde me regarde constamment. Je me sens pétrifiée dès qu’un homme s’approche de moi. Ma poitrine m’oppresse. Mon corps me parle et m’envoie des signaux que je ne sais pas décrypter.
J’ai toujours su que notre sexualité n’était pas à la hauteur de ses attentes et de ses besoins. Moi, j’assimilais le sexe à quelque chose de sale, de malsain et d’interdit. Alors je me suis accommodée de ses récréations sexuelles. Je les considérais comme un outil d’équilibre entre sa vie officielle dans laquelle nous partagions tout de même beaucoup de choses, et sa vie officieuse, que je me refusais à voir.
Une boîte d’antidépresseurs dans une main et mon propre état mental dans l’autre, je décide de pleinement me lancer dans ma reconnexion. J’ouvre la brèche et je m’y plonge. J’y découvre une mare d’émotions saturée qui ressemble à un gros gloubi-boulga. Un continent inexploré s’étend face à moi. J’y découvre un paysage en friche, laissé à lui-même depuis ma toute petite enfance. C’est le début d’un parcours initiatique, rude, mais efficace.