« Il faut que j’en parle parce qu’il faut que j’élimine ».

Récit

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L’autobiographie restaurative, ou comment élaborer un récit de libération.

Nous sommes en novembre 2022. Marie-Thérèse me contacte sur les conseils de sa fille. Elle souhaiterait « écrire sur sa vie… pour transmettre et également envisager une forme de thérapie ».

Elle écrit souvent, dans sa tête, tout et n’importe quoi. Mais dès qu’elle se retrouve devant un clavier pour les formaliser, la spontanéité disparaît et c’est le blocage !

« La demande de mes enfants. C’est parti d’eux et leur proposition de faire appel à une biographe m’a réjouie : je n’aurais jamais entrepris un travail comme celui-ci seule. J’ai toujours noté beaucoup de choses, relevé mes pensées, mais mes souvenirs étaient un peu brouillons ! Je ne me sentais pas le courage de mettre de l’ordre dans tout cela. »

M.T.

Par quoi commencer ? Marie-Thérèse ne veut pas d’un CV factuel et dénué de sentiments. Non. Ce qu’elle veut, elle, c’est pouvoir raconter. Pour ses enfants, à qui elle s’est très peu confiée jusqu’alors, et pour elle, pour se libérer.

« Il faut que j’en parle parce qu’il faut que j’élimine »

Alors nous démarrons, le 3 janvier 2023. À cette époque, Marie-Thérèse évalue sa relation à son histoire de vie à 4/10 (sur une échelle de 0 à 10 –, 10 étant le reflet d’une relation apaisée).

« Je me rappelle très bien les premières séances : ça partait dans tous les sens ! Mais vous avez bien su me diriger et petit à petit, je suis « revenue dans le cadre ».

Au début, nous évoquons surtout ses racines familiales. S’il est souvent plus simple de commencer à parler des autres, il est surtout capital de prendre le temps d’observer ses origines pour comprendre ce que nos parents, et parfois nos grands-parents, nous ont transmis.

Et petit à petit, nous glissons sur sa propre histoire. Celle dans laquelle elle devient le personnage principal, l’auteure de sa vie.

« Au début, je sentais que ma parole était fluide. Je parlais de ceci, de cela, vous obligeant à une gymnastique permanente entre les personnages et les faits. Avoir intégré un index des personnages en début de livre a facilité et a permis de restituer tout le monde.

Mais à la fin, je crois qu’une forme de lassitude m’a envahie. J’avais du mal à tout relire. Je crois qu’un nouvel élan était né, et avec lui, l’envie de passer à autre chose ! »

Au fil de nos rencontres, je sens que Marie-Thérèse s’allège. Son discours gagne en clarté, en assurance, et les souvenirs évoqués sont analysés avec un recul qui témoigne d’une mise à distance de son histoire. L’effet thérapeutique est enclenché.

Après 9 entretiens, espacés d’un mois en moyenne, les 169 pages écrites se rassemblent pour former un livre auquel il ne reste plus qu’à intégrer les photos.

Il y a quelques jours, j’ai pu remettre son livre à Marie-Thérèse. Une étape importante dans la rédaction d’une autobiographie puisqu’elle marque l’obtention d’un résultat concret.

« J’ai fais imprimer une dizaine d’exemplaires, pour mes enfants, mes petits-enfants et peut-être pour d’autres. Ce livre s’inscrit vraiment dans une lignée descendante. »

Notre travail commun prend fin. Mais le cheminement personnel des narrateurs et narratrices ne s’arrête jamais là. Chacun, à sa manière, continue d’écrire sa vie, en prolongeant certains chapitres ou en en ouvrant de nouveaux.

« Le travail réalisé ensemble va me permettre de continuer à mieux reprendre ce que j’avais écrit. La démarche de nettoyage, de tri et de classement continue. J’ai envie de continuer et de compléter mes écrits passés, ceux qui concernent ma vie de femme, ma carrière professionnelle, ma vie de grand-mère qui maintenant a de grands petits-enfants… Il y a encore à faire, ce n’est que le début. »

Après quasiment un an de démarche autobiographique, Marie-Thérèse le confirme, sa relation à son histoire de vie a évolué : 7/10 selon elle (sur une échelle de 0 à 10 – 10 étant le reflet d’une relation apaisée).

« Je ressens une sérénité certaine. Aujourd’hui je suis bien : le plus gros de mon histoire est écrit. Dans l’immédiat, ça va m’aider à revoir des souvenirs qui ressurgissent. Je ne sais pas s’il y aura une suite ou une fin, mais peu importe, ce qui a déjà été fait est très satisfaisant. Mes enfants et petits-enfants sauront déjà pas mal de mon histoire personnelle.  Je suis vraiment contente de ce travail. »

Tout au long de cet accompagnement, à nouveau, j’ai pu mesurer la dimension restaurative du récit de soi. Prendre le temps de revisiter son histoire, d’y porter un regard différent et plus clément, de choisir les mots qui la décriront telle que nous l’avons réellement vécue…

« ça m’a aidé moralement, à me séparer de l’emprise de ma mère et à réparer l’amour porté à mon ex-mari, tous les deux respectivement décédés en 2015 et 2019. Ces deux chapitres de ma vie me chargeaient beaucoup, jusqu’à ce qu’ils soient écrits noir sur blanc. Désormais, c’est fini : je n’ai plus du tout de questionnements ! »

Et toujours : la double écoute restaurative et la curiosité sincère dédiée à la narratrice :

« Le fait de pouvoir parler, d’avoir votre retour, de bénéficier de vos questions pour apporter certains détails… Votre écoute m’a aidée. Si j’avais à recommencer, je ne changerais rien de ce que l’on a fait, je garderais vraiment les mêmes conditions. Même si mes souvenirs m’ont parfois bousculée, j’ai toujours été en totale confiance ! »

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