Quand l’autobiographie restaurative rencontre l’autobiographie de transmission

Récit

Publiée le

Mia a toujours eu un projet d’écriture, mais n’a jamais su par quoi commencer ni comment le structurer.

Lorsqu’elle m’a contactée au mois de novembre dernier, sa demande était claire : offrir à ses deux filles une meilleure compréhension de son/leur histoire familiale.

Mais certains sujets lui semblent « un peu délicats » et elle ne sait par quel angle les amener.

Nous sommes en janvier 2023 et nous démarrons alors une démarche croisée : transmettre tout en se restaurant.

Raconter ses racines

« Ma grand-mère maternelle, Louise, était une femme puissante.

Pas tant du fait de ses racines aisées : elle n’en avait pas, issue d’un milieu modeste, ou parce qu’elle avait gravi les échelons de l’usine, jusqu’à devenir cheffe – on disait à l’époque contremaitresse – et c’était rare pour une femme. Non.

Mais plutôt parce qu’il se dégageait d’elle quelque chose de fort.

Physiquement, elle était grande, et ses mains étaient proportionnelles à sa taille.

Lorsqu’elle prenait les miennes pour les réchauffer, un sentiment de sécurité m’habitait immédiatement.

Quand petite, je me mettais sur ses genoux, c’était toujours un moment chaleureux et enveloppant.

Elle n’était pas grosse. Simplement enveloppante.

Elle me disait souvent :

-Tu sais, en tant que femmes, nous devons être fortes.

J’aimais quand elle ouvrait son grand plateau de jeu en bois sur la table du séjour et que nous entamions une partie de petits chevaux ou de dames.

Mais ce que je préférais par-dessus tout, c’était lorsqu’elle allait chercher sa boîte à photos sur le haut de son armoire. On restait des heures à les regarder.

Notre proximité était belle et étonnante, quand on sait à quel point elle a été dure avec sa propre fille. »

Se construire malgré les manques

L’enfance est une période charnière dans la construction identitaire d’une personne.

Les apports et les manques nous forgent, parfois à nos dépens.


Lorsque les manques d’affection sont malheureusement trop nombreux, il n’est pas rare que l’enfant se réfugie vers un univers ressource.

Mia, elle, a choisi les livres.

« Mon enfance prend un autre tournant lors de mon entrée au CP.

Mon corps se transforme.

Je grossis, sans que cela soit alarmant, mais assez pour impacter ma relation avec ma mère.

Elle qui a souffert de surpoids étant adolescente, a une peur panique de grossir.

Elle ne supporte pas ce changement physique et m’impose immédiatement un régime strict.

Elle qui, quand j’étais bébé, avait pour habitude de me mettre un biberon dans la bouche à chaque pleur, m’interdit désormais les goûters.

Elle n’est pas violente physiquement, mais plus je grandis, et plus elle l’est verbalement, psychiquement.

Pour fuir ses restrictions, je me réfugie auprès de mes grands-parents.

Nés en 1898 et en 1910, ils ont tous les deux connu deux guerres mondiales et ont souffert de la privation.

Alors quand ma mère me dit non, je joue la carte de l’apitoiement. Eux, à l’inverse, me gavent d’aliments réconfortants.

Face au régime draconien qui m’est imposé par ma mère, je me nourris physiologiquement et aussi intellectuellement !

J’ai encore pour habitude de dire que ce sont les livres qui m’ont éduquée.

Je les ai toujours adorés, ils sont un des piliers de ma vie, un refuge, une source d’évasion, une source de plaisir et de découverte. « 

Raconter et écrire, tout en revisitant


Quand vient le temps de raconter, nous ne sommes plus la même personne que nous avons été, et notre regard change.

Cette histoire, que nous avons intégrée comme telle toute notre vie, nous apparaît désormais sous un autre angle.

« À mes 8 ans, mon père s’improvise metteur en scène de spectacles de play-back.

Dans le rôle des chanteurs-acteurs, mon frère et moi.

Nous choisissons nos chansons, et il nous maquille en conséquence.

C’est les débuts du disco, et je connais toutes les paroles de ce qui deviendrait mes classiques : Heart of glass de Blondie et quelques tubes de Sheila Black Devotion.

J’adore cet univers du spectacle ! À l’opposé des contraintes édictées chez ma mère, dans ces moments-là, j’ai l’impression de vivre intensément.

Mon père est un homme de fête. Il sort beaucoup, chez des amis, dans des dîners dansants…

Quand il m’emmène avec lui un week-end sur deux., il demande à ses copines de me maquiller pour l’occasion et de me trouver des tenues pour m’apprêter.

Il me façonne, à l’image d’une poupée. Hyper féminine et toujours sexualisée.

Et ça le valorise.

Je sens qu’il est même parfois excité de voir certains des convives me regarder, affriolés.

Et moi j’en suis fière. Je ne saisis pas la mesure de ce qui se passe.

Cet environnement très épicurien, alcoolisé et libidineux n’est évidemment pas la place d’une enfant, ni d’une adolescente, ni d’une jeune fille, mais d’une certaine façon, je m’y plais, car c’est le seul endroit où je suis regardée, où je me sens vue. »

Chacun a sa façon de gérer le traumatisme. Pour certains, la fuite passe par l’addiction, par le sport, par la dissociation …

Le but est souvent le même : tester ses limites.

« De mes 25 à mes 30 ans, j’évolue en dent de scie. Je plonge, puis je remonte. Enfin j’essaye.

Mon père devient alors mon meilleur ami, et notamment celui avec qui j’organise mes sorties nocturnes.

Alcoolisées. Même très alcoolisées.

Peu de personnes revendiquent d’avoir pris leurs plus grosses cuites avec leur père.

Et pourtant, c’est après des soirées passées en sa compagnie que j’ai été malade pendant 24 h à me répéter que je ne boirais plus jamais de ma vie.

J’adore la sensation que l’état d’ébriété me procure.

Je me sépare de mon mal-être pendant quelques heures, je n’ai plus la même perception des choses, et je profite simplement du fait de me sentir dans du coton.

À cette même époque, il m’arrive, bien que rarement, de disparaître sous la nourriture et l’alcool, seule, dans des moments de gros coups de blues.

Le lendemain, je prétexte une quelconque maladie pour ne pas aller travailler et m’adonne à un rituel détox : je me lave pendant des heures et fais le ménage dans chaque recoin de mon appartement.

Symboliquement, je me nettoie pour pouvoir reprendre le cours de ma vie.

Des sensations désagréables m’accompagnent au quotidien. J’ai l’impression que tout le monde me regarde constamment.

Je me sens pétrifiée dès qu’un homme s’approche de moi. Ma poitrine m’oppresse. Mon corps me parle et m’envoie des signaux que je ne sais pas décrypter. »

Transmettre la résilience

Mia en est persuadée : on peut casser le cercle, on peut devenir un parent aimant malgré une enfance violente.

« Ma trentaine approche et avec elle, le désir d’enfant apparaît.

Tandis que la plupart de mes amies en rêvaient dès l’âge de vingt ans, cette envie émerge tardivement.

Était-ce par peur de me comporter comme ma mère ?

Je me revois assister à une représentation très moderne de Mme Butterfly à l’Opéra Bastille et me sentir bouleversée par la scène d’envolée lyrique lors de laquelle un jeune garçon qui joue son fils lui saute dans les bras.

L’émotion retranscrite était si belle et si forte qu’elle a fait naître en moi le désir d’enfanter : je veux connaître ça, je veux vivre ça, cet amour-la !

Et comme dans la scène, je veux un garçon, pour éviter tout risque de reproduire le schéma maternel.

Puis finalement non, va pour une fille, pour pouvoir justement faire autrement.« 

Si comme Mia :

-Vous avez toujours eu un projet d’écriture, mais ne savez pas par où commencer,

– Vous croyez au pouvoir des mots,

– Vous souhaitez offrir une meilleure visibilité à votre entourage sur votre histoire familiale ou personnelle,

– Vous souhaitez être accompagné(e) pour vous exprimer sur un sujet « un peu délicat »,

Contactez-moi !

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