« Biographe ! C’est un métier ça ? »
Voilà ce qu’à répondu l’une de mes proches quand je lui ai annoncé fièrement et pleine d’optimisme mon nouveau projet professionnel.
Pour beaucoup, la biographie reste du registre de la célébrité. Si de plus en plus d’écrivants décident de suivre la voie du récit de vie, ce métier demeure méconnu et mérite quelques éclaircissements pour être apprécié à sa juste valeur.
Biographe = auteur de biographie
Biographie = histoire de la vie de quelqu’un relatée dans un récit
Larousse
Accordons-nous pour dire que le métier de biographe est avant tout un métier de service. Le biographe est au service de la parole de l’autre. Pour certains, s’exprimer et parler de soi peut représenter un vrai défi. Il ne suffit pas de vouloir se raconter pour y arriver. Face à la vie, l’exercice de narration peut parfois s’avérer douloureux. Et le temps n’est pas toujours l’allié de notre mémoire. Le biographe est alors un appui pour clarifier, voire définir l’objectif et les attentes du narrateur qui souhaiterait écrire sa vie. Pour quoi ? Pour qui ? Et surtout quoi ? Faire son récit de vie implique des choix. Peut-on et doit-on tout raconter ? Si le biographe joue un rôle de conseil sur la ligne éditoriale à tenir, le narrateur est seul maître du contenu qui sera publié et donc partagé.
Tout au long du processus d’écriture, le biographe questionnera en conséquence, convoquera des souvenirs en suivant un axe temporel ou thématique, recueillera les émotions et les détails d’une époque, veillera à trouver les mots justes pour restituer fidèlement l’histoire.
C’est également un métier de cœur. La matière première du biographe est l’humain, les souvenirs, la mémoire, les émotions, le vécu. De tels matériaux se doivent d’être manipulés avec précaution. Dès les premiers échanges, la personnalité du narrateur se dessine. Afin de créer une relation de confiance permettant les révélations, le biographe doit donc rapidement reconnaître et apprivoiser les peurs qui pourraient alourdir certains souvenirs et les garder secrets. Une biographie est un ouvrage qui a pour objet l’histoire de la vie d’une personne.
Être biographe, c’est donc aussi être témoin de la vie. En ce sens, la place du biographe est toute particulière. Confident étranger, il est parfois le premier à qui l’on ose dire. Une relation intime et sensible se crée entre le narrateur et le biographe. Tous deux ne se connaissent pas au démarrage du processus d’écriture ; se rapprochent au fur et à mesure des anecdotes racontées ; pour finir par être complices à l’issue du récit.
Au biographe, on peut tout dire. On lui déballe, on lui confesse, on lui avoue, on lui explique, on lui décrit, on lui raconte, on lui montre, on lui chante, on lui témoigne, on lui révèle, on lui demande, on lui soumet, on lui propose… sans pour autant que tout ne soit retranscrit. On échange des souvenirs, des documents, des photos, des sourires, des larmes heureuses et malheureuses, et des regards. Ces mêmes regards qui confirment implicitement, qui invitent à plus, qui marquent une surprise, qui traduisent l’émotion, et qui divaguent au rythme de la mémoire.
Il lui revient ensuite la lourde responsabilité de retranscrire, de partager sans se l’approprier cette matière dense et sensible, en toute neutralité.
En tant que passeur, le biographe est acteur de la transmission et écrit pour faire perdurer le passé dans le futur. Le biographe est un voyageur. Il traverse les époques et les milieux sociaux, les cultures et les origines, à la vitesse des mots. Il est propulsé au milieu de familles et de villes et redécouvre ainsi l’Histoire de l’intérieur, sous un autre angle.
Quelles que soient les motivations qui poussent à écrire sa biographie, le biographe est un compagnon de route à un moment de la vie du narrateur. Il recueille, cartographie, structure, remet de l’ordre là où il n’y en a plus, il aide à se retrouver, il accompagne, il consigne, il transcrit, il fait perdurer et rend éternel.