« – Vous avez lu mon livre ? Tout y est écrit.
– Oui mais ce n’est pas pareil quand on raconte. Quand on raconte, ça nous libère. »
Extrait de l’épisode 3 de la série Les Papillons noirs, créée par Bruno Merle et Olivier Abbou, portée entre autres par Nicolas Duvauchelle et Niels Arestrup, et diffusée sur Arte en septembre 2022.
On dit souvent que la France compte plus d’auteurs que de lecteurs ? Nombreux sont ceux qui griffonnent, listent, répertorient, et choisissent la plume pour déposer leurs pensées. L’écriture de soi a assurément des vertus libératrices, mais est-ce suffisant ?
Certaines personnes que j’accompagne ont déjà pris le temps de coucher sur papier leurs émotions et leur vécu, et toutes témoignent, lors de notre premier échange, de leur besoin de plus.
Plus de sens, plus de structure, plus de matière… mais surtout, le besoin de faire plus que simplement écrire. Pour toutes, en réalité, il s’agit d’abord de libérer.
Libérer sa parole
« Libérer » a plusieurs significations : délivrer de la domination, affranchir d’un état de dépendance ou de sujétion, dégager quelqu’un de quelque chose qui le coince. Quand il s’agit de libérer la parole, on lève une censure (ici, celle que les futurs narrateurs se sont imposée tout au long de leur vécu). Par honte, par peur, parce que pas armés pour y faire face…
Chacun a jusqu’à présent géré comme il le pouvait. Mais quand vient le temps de dire, et de révéler, alors l’écriture ne suffit pas toujours à se sentir mieux.
Ce qui aide, c’est d’abord de pouvoir être entendu. L’entretien préalable est en ce sens primordial dans la démarche de co-écriture entre le biographe et le narrateur. Ce dernier aura l’occasion de raconter à un interlocuteur, parfois pour la première fois, ce qui lui pèse et ce dont il souhaite se libérer. Et le simple fait d’en parler, d’oser y poser de mots, tout ça face à une personne qu’ils ne connaissent pas et qu’elle ne connaît pas… et bien ça soulage !
Le sujet est énoncé, le cadre de l’accompagnement est défini, et il ne reste plus qu’à y aller !
Plus que de l’écriture de soi
La libération continuera à chaque entretien. Elle ne sera pas toujours facile et pourra réveiller des émotions et des souvenirs qui étaient restés bien cachés jusqu’à présent. Mais petit à petit, le narrateur s’allégera du poids de son histoire. Symboliquement, l’événement traumatique (ou émotionnellement marquant) existe dès lors en dehors de soi. Libérer permet de prendre un peu de hauteur, de la distance et du recul par le simple fait d’échanger. Sortir de l’isolement, faire reconnaître son identité et son histoire, c’est aussi devenir acteur de sa propre vie et impulser l’effet libérateur.
Le biographe n’est alors qu’un récepteur. Il accueille sans commenter. La libération ne nécessite qu’une oreille neutre, et la promesse que cette parole sera portée fidèlement pour ensuite être transmise.
« Ce qui sort est violent, parce que ce que j’ai vécu est violent. »
« J’ai longtemps eu l’envie d’écrire. »
« J’ai envie d’avancer, de sortie mes émotions, de témoigner, d’arrêter de vivre dans l’ombre. »
« J’ai besoin de pouvoir cracher quelque chose. »
« Je veux tourner la page, mettre un point final sur toute une époque. »
» Je veux écrire pour refléter tout ce que j’ai dans le ventre. Mes écrits, c’est ce que je vomis. »
« J’aimerais déposer ça dans un livre, pour pouvoir avancer et m’apaiser. »
Paroles de narrateurs ayant entrepris une démarche d’autobiographie restaurative