Le récit de la semaine : Clément, 34 ans, redonne vie à un voyage réalisé en 2010.

Extrait

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Cette semaine, je vous fais découvrir un type de récit de vie tout particulier : le récit de voyage.

Certains l’écrivent au jour le jour pour être sûrs de ne rien oublier, d’autres le préfèrent sous format photo…

Ici, je vous partage le récit de Clément, parti au Togo en 2010 pendant un mois dans le cadre d’un projet humanitaire.
Quand il me contacte plus de dix ans après, sa demande est claire : « je veux faire voyager les autres, et avoir l’impression moi-même d’y retourner. »


Nous nous sommes basés sur son propre carnet de route, qu’il avait gardé précieusement, et nous avons repris la route ensemble…

« On traverse les nuages pour survoler une mer de coton et se retrouver dans un ciel étoilé. On distingue les lumières des villes, telles des lucioles, ou de la lave qui s’échapperait d’un volcan.

À ma droite, l’aile de l’avion, et à sa pointe, l’étoile du Berger.

Sous nos pieds, Casablanca, la ville blanche. Notre première escale nous a à peine laissé le temps de la visiter.

Nous traversons une deuxième couche de nuages, et comme pour nous féliciter, la compagnie nous offre un masque de voyage, des chaussettes et un casque audio.

Vitesse de vol : 716 km/h

Altitude : 5 943 m

Température : — 12°

Distance Casablanca — Lomé : 3 122 km

Durée du vol : 4 h 1

“Royal Air Maroc vous souhaite la bienvenue à Lomé. La température extérieure est de 27°.”

Dès la sortie de l’avion, l’humidité et la chaleur nous étouffent.

Il est 1 h 5 du matin, et nous traversons une ville vide. Nous croisons quelques personnes sur le bord de la route, certains dorment à même le sol.

Nous serons logés dans la famille de Mathieu une semaine, avant de rejoindre Kara, notre lieu de villégiature, au nord du pays.

Nous ne le savons pas encore, mais certains repères ne nous quitteront pas du séjour : moustiquaire, infusion de citronnelle, mouches et Flag (la bière locale !). »

Première visite de Lomé : direction le marché.

Nous sommes autant impressionnés par tout ce que nous voyons, qu’eux le sont sur notre passage.

Nous découvrons des odeurs, des fruits, l’art traditionnel ; et eux nous regardent à deux fois pour vérifier notre couleur.

 » Les noix de coco. Elles sont partout. Au sommet des palmiers, sur les étals au bord des routes, dans les bras de vendeurs ambulants…

Nous nous approchons de cette petite fille. Sa silhouette toute menu ne l’empêche pas de manier la machette avec brio. En quelques secondes, notre noix de coco est ouverte.  » Attention, le jus tache énormément ». Un régal !

Après un passage chez la couturière pour prendre nos mensurations (la tante de Mathieu nous offre à tous un costume traditionnel), nous entamons notre premier repas togolais : épis de maïs cuit, bananes plantains, riz et viande en sauce, et en dessert, de l’ananas blanc !

Pas de sieste au programme, mais une immersion totale dans le cœur de la ville : le marché !

Tout le monde nous aborde et nous salue : bonjour les français ! Bonjour les visiteurs !

Tous veulent nous serrer la main.

Le marché extérieur regorge de ruelles et de trésors. Nourritures, bijoux, tissus, statues en ébène, souvenirs…

Le marché couvert, lui, compte une centaine, ou peut-être un millier de stands. Ça grouille dans tous les sens ! Maquillage, perruques, épices, vaisselles, filets de pêche.

Les commerces sont majoritairement tenus par des femmes, qui crient Yovo en nous voyant arriver (« les blancs ».

Un petit garçon s’approche timidement de moi. Il me touche timidement la main, et me caresse la peau, comme pour vérifier si ma couleur était vraie. »

Au fond du jardin trône un apatam, un abri de forme circulaire soutenu par des piliers, ouvert de part et d’autre.

Les oiseaux commencent à chanter et volent de partout en battant bruyamment des ailes.

Nous savourons le moment présent, et chacun intègre à sa façon ce que nous sommes en train de vivre. Dans un mois, une fois le séjour terminé, quels souvenirs va-t-on en garder ?

 » Nous montons sur le toit pour observer la ville.

Une vue disparate s’offre à nous.

Derrière la maison se trouve un immense champ d’ordure, visité par les chèvres et les plus pauvres. Tous y cherchent la même chose : de quoi se nourrir.

En second plan, les bidonvilles et la misère.

Un silence s’installe parmi nous. Pas besoin de mots pour comprendre que nous nous sentons tous coupables d’être logés dans un lieu aussi confortable.

Au loin, la ville, puis la verdure.

Pour nous y rendre, nous montons sur un zemidjan, les taxis motos locaux.

La mer est agitée, sauvage et sombre.

Nous repérons un groupe de pêcheurs et leur proposons notre aide.

Traditionnellement, les hommes tirent pendant que les femmes assurent à l’arrière.

Tout le monde chante à l’unisson pour s’encourager. Nous essayons de leur prêter notre voix tant bien que mal, en répétant ce que nous pensons comprendre : « Tchobolo Aga ».

Quelqu’un nous traduit : « Tirer pour avoir de l’argent ».

Après une heure et demie de bataille pour réussir à sortir le filet entièrement, nous ne comptons qu’une vingtaine de poissons.

À peine un par personne présente… »

Le départ pour Kara, la troisième plus grande ville du pays, approche.

Le Togo est un pays de 56 785 km²
Il est divisé en cinq régions administratives, elles-mêmes découpées en 39 préfectures :

  • la région maritime, chef-lieu : Tsévié ;
  • la région des Plateaux, chef-lieu : Atakpamé ;
  • la région centrale, chef-lieu : Sokodé ;
  • la région de la Kara, chef-lieu : Kara ;
  • la région des Savanes, chef-lieu : Dapaong.

« Bientôt, nous quitterons la capitale ».

 » Le rythme africain se répercute sur mon appréciation du temps. Nous sommes là depuis une semaine, mais j’ai l’impression que cela fait le double !

Aujourd’hui nous nous rendons à Togoville. Pour y accéder, 2h30 de route et la traversée du lac Togo sont nécessaires.

Le village surplombe le lac, façon favela.

Il semble que nous ayons croisé le prince en pirogue. Nous n’aurons donc pas l’honneur de le rencontrer ni d’accéder au musée de la ville puisqu’il est le seul à disposer des clefs.

Nous déambulons dans les rues, croisons des enfants au ventre gonflé, jusqu’à arriver au pied d’un arbre immense.

Les habitants le surnomment Lobo.

Personne n’a le droit de le toucher, excepté les futurs mariés qui eux, en revanche, ont même le droit de pouvoir y monter !

Une centaine d’oiseaux jaunes vifs y sont installés. »

TOGO (en 2010)

Population : 6 019 877 habitants

Âge médian : 18,7 ans

Mortalité infantile : 56,24 %

Salaire moyen : 60 €

Prix du litre de gazole : 575 francs CFA (soit 0.87 €) »

« Que conclure de ce mois passé ici ?

La découverte d’une nouvelle culture, le sentiment d’utilité, la réalité des conditions de vie, la simplicité des habitants… »

Écrire ses souvenirs de voyage permet de se replonger dans un autre temps. Notre regard est différent, et nous ne vivrions certainement pas l’expérience de la même manière aujourd’hui.

Au-delà des paysages et des anecdotes, l’intérêt du récit de voyage est justement de se retrouver soi-même !

Gardez une trace de vos voyages, pour que, dans quelques années, vous puissiez partir à votre propre rencontre.

« Nous traversons des paysages variés, des forêts et des reliefs, et attaquons la montée vers la montagne. Au loin, le mont Kabié se profile.

Nous passons par la faille d’Adejo : un passage creusé dans un énorme rocher tombé sur la route.

À l’angle d’un virage, une vision hors du commun nous apparaît. La plaine togolaise s’étend sur des kilomètres au pied d’une chaîne de montagnes. Les décors du Roi Lion sont fidèles à la réalité. C’est à cet endroit précis que la veille, un car de 70 personnes s’est retrouvé dans le ravin. 17 morts, 34 blessés graves et une vingtaine de rescapés. Nous croiserons la carcasse du véhicule dans le village suivant…

Village qui n’est autre que la deuxième plus grande ville du pays. Les proportions sont relatives.

Nous arrivons au dispensaire et sommes accueillis par Sœur Joséphine. Nous avons parcouru plus de 400 km et la saison des pluies n’est pas encore terminée ici.

Après une nuit de sommeil, et de fraîcheur, nous nous rendons sur le chantier du forage.

Cela fait des mois que nous suivons le projet depuis la France.

Après un premier essai à 72 m de profondeur, l’eau est apparue à 86 m. Aujourd’hui, 5m3 s’écoulent toutes les heures.

Nous avons 2 semaines pour tout finaliser. »

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